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Zadounaïsky

NICO, NICOLAS ZADOUNAISKY

La corrida est la conjonction d’une stratégie anatomique très savante et d’un sens théâtral aigu, qui maintient le " suspense " nécessaire à l’éclatement d’un triomphal dénouement. Le combat se déroule pour chaque taureau en trois tiers, les tercios, dont la durée est strictement réglementée à cinq minutes chacun. Chaque faena (déroulement du combat d’un animal) dure donc environ un quart d’heure, et la corrida une heure et demi. Les picadors attendent d’abord le taureau dans l’arène. Il s’agit de créer une mêlée terrifiante, où s’affrontent taureau contre chevaux, cavaliers démontés, piétons (peones) et matadors. La seule arme est la pique, les seules parades sont les passes de cape et les évitements. Le taureau doit à la fois recevoir de très nombreuses blessures, se montrer d’une extrême agressivité envers les chevaux qu’on lui présente à éventrer et sortir apparemment vainqueur. Le second tercio succède comme une accalmie. Il appartient aux poseurs de banderilles (les banderilleros). Succédant à l’épreuve de force, c’est un défi d’agilité qui oppose le taureau à l’acteur, une sorte de numéro d’acrobatie qu’admire le spectateur. La manœuvre surprend le taureau, trompé par des feintes et de brusques évitements. Les harpons, fichés dans le dos de l’animal pour augmenter la douleur et l’hémorragie, signalent de loin l’habileté du banderillero grâce à leurs manches enrubannés. Le dernier tercio est celui de l’exécution du taureau. Pour la mise à mort par estocade, aurait été mis au point vers 1726, un second leurre, la muleta, étoffe soutenue par une baguette pointue (42 cm), maniée de la main gauche (naturelle de la gauche, izquierda) ou de la main droite qui tient aussi l’épée (derechazo). Les passes permettent de placer favorablement le taureau pour atteindre le point, " la croix " (en la cruz, sommet de l’omoplate droite). On peut viser la croix de diverses manières, souvent assez hasardeuses: c’est " l’instant de vérité ". Le matador appelle (cite) le taureau pour le rapprocher ou pour bénéficier de l’élan de la charge et tenter de le tuer a recibir. A l’inverse du tireur embusqué et lointain, le matador semble braver le danger en s’approchant de très près des cornes. Cette frontalité héroïque et théâtrale, qui déclenche l’émotion, constitue également une habile stratégie, exploitant le fameux angle mort de vision et autres défauts de la vision du taureau. Le sang de l’animal, signature de la violence et élément émotionnel de la corrida, est très habilement mis en scène. Trop de sang, en particulier sur le sol, renvoie brutalement à l’abattoir. La corrida tolère le sang bien présenté: étalé sur le cheval ou sur le taureau de préférence noir, car trop visible sur les pelages clairs. Le sang vomi par la bouche de l’animal " ternit le succès du matador ". Certains matadors aiment s’enduire de sang, pour montrer qu’ils ne redoutent pas de gâcher leur onéreux costume et surtout pour simuler leur propre blessure. Dès l’origine, le sang est judicieusement dosé pour attirer sans horrifier. Il en est de même pour la violence, d’une gestion raffinée. La férocité du premier tercio attire le public, mais, par son outrance même, elle projette la plupart des spectateurs dans un univers inconnu et quasi imaginaire. De plus, le taureau aggrave son image de férocité en éventrant les chevaux. Au terme de ce combat apocalyptique, avec le détachement dédaigneux des fils d’hidalgo, l’homme enfonce l’épée dans le corps du taureau, l’absence de sang tient du prodige, le taureau devient un mort vivant, il s’écroule comme foudroyé par la seule puissance de l’homme. c. la corrida contemporaine (Retour au Sommaire) Malgré l’opposition des aficionados, des mesures ont été prises pour ménager la sensibilité du public. En 1928 est introduit le caparaçon, le peto, sorte de molleton qui protège désormais les flancs, le ventre et les jambes des chevaux des assauts des taureaux. Il épargna la vie de très nombreux chevaux, tout en éliminant les éventrations publiques, le spectacle répugnant des viscères répandues sur le sable. La corrida commence au moment où le président, qui est assis dans la loge principale, en donne le signal. Annoncés par une trompette, deux cavaliers habillés en costume de style Philippe II, entrent alors dans l’arène: ce sont les alguacils qui transmettent les ordres donnés par le président. Derrière eux, au son d’un allègre paso doble, apparaît la procession des toreros qui exécutent la parade du paseo. Les matadors viennent en premier, suivis de leurs cuadrillas respectives (leur équipe d’auxiliaires, composée de trois banderilleros, dont le peon dit " de confiance ", le premier à tester le taureau lors de sa sortie, et de deux picadores), et vont saluer la présidence. Lorsque le taureau surgit dans l’arène, les auxiliaires font quelques passes qui permettent au matador d’évaluer son comportement. La passe essentielle est la véronique, où le matador donne le rythme qui régularise la charge du taureau. Les autres passes de cape sont généralement destinées à une démonstration esthétique, stylisée. Puis, au son des clarines (trompettes), deux picadors, montés sur des chevaux protégés d’un caparaçon, se placent à la périphérie de la piste (ils ne doivent pas dépasser la ligne du cercle tracé par terre, qui recouvre environ les deux tiers du terrain). Leur tâche est de mettre à l’épreuve la bravoure du taureau et de réduire son instinct à charger la tête haute. Le taureau attaque sur le flanc droit du cheval dont l’oeil droit est bandé pour qu’il n’ait pas peur et dont les flancs sont protégés par le caparaçon. Les picadores doivent blesser le taureau aux épaules. Cet épisode du combat est sévèrement contrôlé par la présidence, par le matador et par le public, car il ne faut pas que le taureau soit affaibli par une trop grosse perte de sang. Le taureau est brave s’il retourne sous la pique pour attaquer le cheval, sinon, il est manso. Sans la pique, ni la mise à mort ni aucune passe ne serait praticable. Après la charge, les matadors éloignent le taureau du cheval en exécutant des véroniques avec leurs capes. Le second tercio, la pose des banderilles n’a qu’un caractère esthétique et sert à mettre en valeur l’agilité et l’adresse du torero ou d’un de ses peones, ainsi que le courage de l’homme et de la bête. La banderille, pique de bois de 70 cm, est munie d’une pointe de fer en forme de harpon. Elle est posée par paires. Elle ne doit pas tomber du corps de l’animal, ne doit transpercer que la peau du taureau sans atteindre les blessures faites par les picadores. Tout le combat doit permettre un spectacle brillant et fatiguer le taureau en ralentissant ses mouvements pour le préparer à la mort. Ceci doit se faire très vite, car avec chaque minute qui passe l’animal acquiert une expérience du combat de plus en plus dangereuse pour le torero. Les banderilles peuvent être plantées par le matador lui-même, s’il possède la prestance physique et athlétique nécessaires, qualité qui n’est pas absolument indispensable depuis l’époque du grand torero Belmonte qui a imposé le toreo de bras. Ensuite commence la troisième phase du combat: le tercio de muerte. Le matador, qui est seul désormais à combattre le taureau, offre la mort de celui-ci à quelque personne dans les tribunes; pour cette cérémonie, dite brindis, il s’incline devant le spectateur choisi, en tenant la montera, son chapeau noir, dans sa main droite. La faena consiste en une série de passes exécutées avec la muleta, drap de flanelle rouge qui a été substituée à la cape jaune et rose. C’est le point culminant de la corrida, le moment d’immortalité du matador. La faena a pour but de fatiguer le taureau jusqu’à ce qu’il reste immobile, la tête basse. Pour le matador, c’est le " moment de vérité ": il lève l’épée en se préparant à frapper le taureau, tandis que de sa main gauche il tient la muleta, prête à dévier éventuellement son dernier coup de corne. L’estocade doit être fulgurante, elle doit frapper le taureau en la cruz, c’est-à-dire à gauche de la colonne vertébrale, entre la troisième et la quatrième vertèbre, en pénétrant jusqu’à la poignée. Si le combat a été honorable, et si le torero a infligé la mort dans les règles, le public l’acclame par des ovation. Le président lui accorde alors une oreille du taureau (il montre un mouchoir blanc) ou deux selon l’art avec lequel il s’est comporté, ou même la queue, dans les cas exceptionnels. Le torero fait un tour de piste sous les bravos. Le malchanceux ou celui qui aura montré ses faiblesses est conspué par la foule. Le taureau, lui, est attelé à des chevaux; sa dépouille fait un tour de piste s’il s’est montré brave et vaillant.

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La corrida en tant que jeu (Retour au Sommaire) Le jeu a des règles impératives qui doivent être respectées par ses protagonistes, qui sont ici le public, le taureau et les professionnels de la corrida (toreros et " mundillo "). Mais il y a toujours des " faux-joueurs " qui trichent ou, pire, des " briseurs de jeu " qui rompent l’illusion ludique. a. les protagonistes du jeu: taureaux, toreros, public et mundillo (Retour au Sommaire) Le taureau Le taureau qui arrive dans l’arène doit être en parfaite santé, bien " présenté ", c’est-à-dire de belle prestance, " bien armé " avec des cornes intactes, de belle forme. S’il boîte, s’il a un défaut de vision ou quelque autre, le public n’hésite pas à demander son renvoi. Un public averti exige " le taureau de respect "; sur l’aspect flatteur du taureau repose la crédibilité du combat. Des lois très strictes, votées au Parlement, réglementent son poids minimum et son âge selon la catégorie de l’arène. Pour une arène de première catégorie comme la Plaza de toros de Madrid, il doit être de 469 kg minimum (2ème catégorie, 435 kg; 3ème, 410 kg) et doit avoir 5 ans minimum. Les tricheries consistent à combattre un animal plus jeune qu’il ne l’a été annoncé (en dépit du marquage au fer rouge de l’année de naissance et de certificats de naissances, souvent falsifiés par les éleveurs), à le droguer pour le rendre plus docile, à scier ses cornes (afeitade). D’autres pratiques existent comme la purgation, l’étourdissement du taureau en le mettant dans une cage montée sur un axe qu’on tourne, lui jeter des sacs de sable sur la colonne vertébrale pour la lui écraser quelques heures avant la corrida, etc. Tout ceci ne fait pas partie des conditions naturelles de vie des taureaux; c’est éthiquement condamnable et cela fausse le jeu en mettant le taureau en position de faiblesse. Les illégalités volontairement pratiquées en combat consistent par exemple à piquer le museau avec la pointe de la muleta, à planter les banderilles dans la blessure de la pique; le temps légal pour l’estocade est très souvent dépassé, il peut atteindre 30 mn. La corrida a toujours eu pour objet de montrer un taureau sauvage et de le faire combattre par l’homme. Ces fraudes tendent à mettre en vedette un homme et à lui faire combattre une apparence de taureau, ce qui est contraire au principe du jeu qui veut l’égalité des chances pour les joueurs. Le taureau peut très facilement jouer le rôle de " briseur de jeu ", rompre l’illusion du jeu en ne voulant pas " collaborer ". On essaie de limiter ce risque par divers moyens (autres que la tricherie). Descendant des aurochs préhistorique, le taureau espagnol passe pour agressif de nature. Cependant on a essayé dès le Moyen Âge d’améliorer ses qualités par croisements pour obtenir la race de taureaux idéale, qui se conforme aux règles de la corrida. Au début du XVIIème siècle, des moines chartreux et dominicains s’en étaient fait une spécialité, et étaient devenus des éleveurs fameux de taureaux braves. Les taureaux castillans et andalous en particulier ont les " qualités morales " qui rendent le combat possible. Ces qualités sont les suivantes: la bravoure, la noblesse, la caste et la suavité. Les aficionados appellent l’agressivité " bravoure ". On la développe par sélection génétique et en privant les taureaux de femelles. Dans l’arène, la solitude du taureau s’oppose radicalement à ses très fortes tendances grégaires et renforce ses fonctions défensives qui très souvent sont, non l’attaque, mais la fuite. On qualifie alors le taureau de " lâche " (manso) et au XVIIIème siècle on le livrait aux chiens ou aux banderilles de feu. Il est probable que c’est par désir paroxystique de s’échapper que le taureau aggrave la blessure de la pique en poussant le groupe équestre, comme une femelle piégée se mutile pour retrouver sa liberté. Il ne s’agit pas d’un mystère, comme on le lit souvent, ni d’une recherche d’héroïsme, comme le suggère l’expression traditionnelle " il se grandit au fer ", attitude qui soulève l’enthousiasme des foules. La " noblesse " est l’aptitude du taureau à suivre le leurre et à charger droit sans dévier. La " suavité " consiste à baisser la tête dans la cape, sans donner de coups de cornes. La caste, synonyme de bonne race, désigne la vigueur au combat. Ces caractères sont importants car ils rendent l’action du torero possible: si l’animal " brave " suit le leurre, le matador peut le déplacer; si le taureau " noble " charge droit, le matador peut esquiver la charge par une légère inflexion du corps; si le taureau " suave " ne donne pas de coups de cornes hors de la muleta, le matador échappe aux blessures. Ces caractères sont en fait des erreurs de stratégie du taureau. Suivre le leurre au lieu d’attaquer l’homme, c’est se tromper de cible; charger droit, c’est supprimer l’imprévisible, imparable pour l’homme. Et surtout, résister de front au lieu de fuir, c’est permettre au matador de se différencier du garçon d’abattoir, qui poignarde par derrière, ou du chasseur qui poursuit le gibier. Le public La foule des gradins n’est pas seulement spectatrice, elle est également protagoniste. Cependant cette constatation n’a de sens que dans le cas où le public est espagnol, car pour lui la tauromachie est profondément ancrée dans sa culture. Ces passionnés de tauromachie s’appellent eux-mêmes " aficionados ". Ils ont leurs journaux, leurs clubs, leurs militants acharnés. Depuis que les jeux taurins sont devenus un spectacle de consommation et une énorme machine gérée avec les mêmes méthodes que celles qui régissent les grands spectacles de masse, d’après certains, ils ont dégénéré, le processus s’est aggravé avec la participation des touristes étrangers qui ont coutume lors de leur voyage en Espagne d’assister aux corridas. Beaucoup de personnes, écrivains et journalistes surtout, s’opposent à la médiatisation du spectacle. D’après eux, " la corrida est un fait de minorité, ancré dans une tradition culturelle, et doit le demeurer " (Bennassar). En termes de rituels, il y a là quelque chose d’intéressant. La société tauromachique veut réserver la corrida à un groupe d’initiés, comme si sa généralisation ne pouvait que la dégrader. La foule des gradins n’est jamais inactive pendant la corrida. Elle crie des " Olé! " devant les faenas réussies du torero. C’est elle qui pousse le président à lui accorder une récompense (tout le monde sur les gradins agite un mouchoir blanc pour l’octroi des oreilles). Le torero communique avec elle au moyen de ses mimiques variées, de ses gestes de défi ou de colère. L’ambiance des gradins est toujours très vivante, houleuse si la corrida a été mauvaise (on jette alors tout ce qu’on trouve dans l’arène: les chaises, les chaussures...). Le public a une personnalité et des goûts différents d’une ville à l’autre, d’un endroit à un autre. La prestation d’un torero peut passer pour tout à fait correcte dans une ville et être conspuée dans une autre. Le public passe pour un jury inexorable, mais crée leurs réputations aux toreros. On sait que dans le jeu, le plaisir des joueurs est proportionnel au nombre de spectateurs. C’est effectivement du plus bel effet de remplir les gradins de l’arène en laissant l’entrée libre au dernier combat de la corrida. Le public sanctionne la réussite ou l’échec du torero, c’est lui qui immortalise l’artiste. Une corrida sans public n’a pas lieu d’être. Page 76 du Jeu du jeu, Duvignaud explique ainsi le rôle du public: (en parlant de l’imitation, mais je pense que cela s’applique à tout jeu où les joueurs désirent un public) il écrit: " Tout se passe comme si la gestuelle de la simulation suggérait une analogie dont le sens dût être déchiffré et pris en charge par d’autres. ...Et l’acteur, l’" hypocrite ", porte le masque et représente à travers lui des situations ou des émotions que le public présent n’a pas encore éprouvées ni vécues, et qu’il n’éprouverait jamais sans l’intervention du simulateur. " Le torero fait des gestes, des actions, consciemment ou inconsciemment, que le public voit et qui le transportent dans un autre monde, éphémère mais fantastique; c’est là qu’il se sent subjugué par le numineux et qu’il comprend toute l’intensité du rite. C’est donc en partie grâce au public que la corrida est vécue comme un rite. Mais ceci n’est valable, je pense, que pour les corridas réussies, où les faenas sont belles, maîtrisées, ralenties, où elles font naître ces émotions inconnues dont parle Duvignaud. Une corrida ratée est une boucherie. Le mundillo Comme le dit Huizinga, les participants à un jeu ont tendance à faire subsister les liens qui les ont unis pour le court temps du jeu et à créer du mystère autour, à constituer une sorte de société secrète. C’est effectivement ce que l’on trouve dans les jeux taurins. A côté du public élargi des " profanes ", la corrida a produit une société du spectacle spécifique, le " mundillo ", petit monde ou microcosme, ou encore appelée " planète des taureaux ". Bennassar la décrit: " Cet univers étrange, progressivement constitué au cours de XIXème siècle, a ses lois écrites - les règlements taurins successifs (organisation et déroulement du spectacle) - et ses lois non écrites, son code d’honneur, son langage parfaitement incompréhensible aux non-initiés, ses costumes sans rapport avec le monde moderne, ses outils dont la panoplie est réduite, une organisation corporative et syndicale, son système propre d’assurances, sa hiérarchie constamment contestée et renouvelée, ses lieux de culte, son imagerie dont affiches, photographies, gravures, peinture, cinéma, assurent la permanence et la variété. " Le mundillo est totalement indépendant, il pourrait presque vivre en autarcie complète. Le mundillo est composé de trois catégories de personnes: les toreros, les éleveurs et ceux qui habitent la ville. Ce milieu est rendu encore plus cohérent par les nombreuses alliances matrimoniales qui s’y nouent, et le passage des uns de l’une à l’autre catégorie selon le système des vases communicants (les anciens toreros deviennent éleveurs, les éleveurs deviennent organisateurs de corridas, etc.). - Les toreros, les novilleros (apprentis-torero) et leurs collaborateurs sont contraints à un nomadisme permanent: ils sillonnent en tout sens la péninsule ibérique et si possible le Midi de la France, traversent même l’Atlantique pour aller en Amérique du Sud et au Mexique. L’hiver est le temps du repos, mais dès janvier l’entraînement reprend. La saison des corridas, la " temporada " s’étend de mars à octobre et suppose pour une cinquantaine de toreros et de novilleros espagnols la création d’une micro-société masculine, faite de sept-huit individus, qui peut durer plusieurs saisons consécutives ou être recomposée pendant la trêve hivernale, et avec laquelle ils vont d’arène en arène. - Les éleveurs de taureaux braves, sans qui il n’y aurait pas de tauromachie, sont, à leur façon, les héritiers d’un mode de vie seigneurial, quasi féodal. Ils habitent une vaste demeure, souvent invisible de la route, entourée de vastes pâturages extensifs. Ils règnent sur quelques centaines de taureaux et de vaches braves: l’âge du combat et les aléas de la reproduction nécessite un nombre de bêtes neuf fois supérieur au nombre de celles qui seront combattues au cours d’une saison. L’éleveur est assisté d’un personnel spécialisé de bouviers, de vachers, de " mayorales ", qui doit connaître les propriétés du bétail brave. - La troisième catégorie du mundillo vit en ville: ce sont les directeurs d’arène, les fondés de pouvoir, les publicitaires, les journalistes spécialisés, les tailleurs pour toreros, les fabricants de piques et de banderilles, les chirurgiens pour toreros (et leur clinique spéciale), sans oublier les concierges d’arène, les garçons d’arène, les monosabios (" pigistes "), et les guichetiers, très bavards et responsables d’une grande partie des rumeurs, " accompagnement indispensable d’une saison tauromachique " (Bennassar). Au bas mot, le mundillo compte 50 000 personnes et beaucoup d’argent. Le torero Revenons sur la figure mythique du torero. La chanson de Jean Ferrat est connue, qui dit que la faim donne plus de coups de cornes que les taureaux. Il y a certes des cas célèbres de traîne-misères parvenus à la richesse et la gloire (El Cordobès, Chamaco...), mais beaucoup plus de toreros sont nés dans des milieux modestes d’artisans, de boutiquiers ou de petits propriétaires paysans, ou bien fils de bourgeois séduits par les prestiges et les périls de l’arène. La très forte endogamie des gens de la tauromachie a forgé de véritables dynasties (par exemple les Bienvenida, les Mejias...). Dès les origines de la tauromachie, le danger mortel affronté par les toreros a engendré des salaires supérieurs à ceux des gens de leur condition. Ils se sont ensuite enrichi de plus en plus. Beaucoup de toreros, surtout à l’époque romantique dépensaient tous leurs gains et menaient une vie fastueuse, entourée de parasites des deux sexes, finissant leur vie parfois très pauvres. Souvent violents, dépensiers, libertins, buveurs, fréquentant les tavernes, les filles de joie et quelque fois les brigands, les toreros des années 1800-1870 affichaient un mode de vie atypique. Un certain élargissement du recrutement auprès de la bourgeoisie, des négociants et des militaires imposa peu à peu un changement de conduite. A notre époque, plus rationnels, mieux conseillés et guidés dans leurs placements, la plupart des toreros de talent ont accumulé de solides fortunes investies en ranchs, élevages de taureaux braves, etc. Pour la foule, ces toreros sont des héros de légende, des personnages quasi-magiques, entourés de merveilleux et de mystère, capables de faire rêver pour longtemps quand la vie quotidienne est cruelle. Franco a bien exploité cette fibre de l’âme espagnole dans les années de la guerre civile et du franquisme. Le torero exprime à lui seul l’inattendu, l’imprévisible de la tauromachie. Les défis que se lancent les toreros passionnent les foules. Ils se surpassent, surenchérissent en courage. Ce sont des toreros doués qui ont imposé leur style à la corrida, inventé les nouvelles figures, et aussi célébré le mariage de l’intelligence et des beaux arts avec la tauromachie. Le torero Belmonte a réuni autour de lui de nombreux artistes et écrivains: Federico Garcia Lorca, Ernest Hemingway (Mort dans l’après-midi), Picasso, Cocteau, André Masson, Jean Ducasse, Roger Wild... Le torero fait lui-même de l’art, mais un art éphémère, le spectacle.

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